Article d’opinion politique. Biais cognitifs, fenêtre d’Overton, réforme des retraites…

Phil politique #1

Bonjour et bienvenue dans cet article d’une nouvelle série dédiée à la politique - politique française, politique internationale, et plus généralement à la façon dont nous décidons d’organiser notre société. Avant toute chose, je tiens à préciser que je ne me considère pas comme un penseur, un philosophe ou encore un sociologue, mais plutôt comme un citoyen ordinaire qui souhaite partager des idées qui proviennent soit d’autrui, soit de réflexions personnelles.

Ma motivation première pour ce genre de production est d’aller à l’encontre de l’omniprésence de la pensée dominante. Par définition, il est normal qu’elle soit partout, mais j’ai la sensation que les propositions alternatives de monde sont de moins en moins visibles. Le capitalisme libéral (et néolibéral) est devenu une religion avec des préceptes répétés sur les ondes étouffant toute autre possibilité.

Il faut savoir qu’il existe des biais cognitifs mis en évidence par des sociologues, qui altèrent la rationalité de nos jugements. C’est un sujet très intéressant et je vous invite à en apprendre davantage sur la page Wikipedia des biais cognitifs, qui recense les divers biais connus avec des exemples. Parmi ces biais, il en existe un en particulier, l’effet de simple exposition. Il a été observé que plus nous sommes exposés à quelque chose, comme un objet, une personne ou une idée, plus nous augmentons la probabilité d’avoir des idées positives à son sujet.

C’est sur ce biais que se base la publicité, mais aussi certains messages politiques, qui répètent les mêmes concepts pour qu’ils soient absorbés par leur public. Le discours dominant se renforce par sa répétition dans la conscience commune, même s’il s’éloigne d’un raisonnement sous-jacent. J’ai la conviction qu’il devient de plus en plus difficile de proposer, et même d’imaginer, quelque chose de différent. J’espère pouvoir, grâce à ces articles, apporter un peu de variance vis-à-vis du discours dominant, avec des propositions que je considère plus justes pour un monde en commun.

Un autre concept qui découle du biais de simple exposition est la notion de fenêtre d’Overton. Des discours qui sont à la limite de l’acceptable peuvent se frayer un chemin dans l’imaginaire collectif s’ils ont un espace médiatique où ils peuvent être répétés de plus en plus. C’est ainsi que des propos identitaires associés à l’extrême droite, qui étaient auparavant considérés comme “trop extrêmes”, sont devenus acceptables grâce à des années de diffusion sur des médias tels que CNEWS.

Je pense que la gauche ne doit pas abandonner ce terrain de bataille, mais doit au contraire proposer des idées alternatives sociales et humanistes. Pour vous donner une idée des choses que je souhaite développer, je pense qu’il faut augmenter les impôts de manière générale pour revenir à ce qui se faisait dans les années 1970, revoir les règles en matière d’héritage, renforcer les biens collectifs tels que l’éducation, la santé, les transports, l’énergie et l’eau; mettre des règles strictes pour réguler la finance, limiter l’importation de produits qui ne respectent pas les normes sociales et environnementales que nous imposons à nos entreprises et concitoyens, etc… De plus, je pense qu’il ne faut pas hésiter à avoir recours à des nationalisations lorsque cela est nécessaire, par rachats ou saisies. Par exemple, il m’apparaît logique qu’une entreprise comme Lafarge, qui a travaillé avec l’entité terroriste “État islamique”, soit saisie par l’État français.

Avant de continuer davantage, je me présente brièvement. Je suis un ingénieur en informatique et mathématiques appliquées de 33 ans, issu d’une éducation publique et originaire de la campagne normande. Je suis producteur de contenu de jeux vidéo sur Twitch/Youtube mais également auto-entrepreneur en développement informatique. J’ai beaucoup de difficultés à me retrouver dans ce qui fait notre société capitaliste qui broie les individus en les plaçant quotidiennement en tant qu’exploités et exploitants. J’ai la chance d’avoir une situation qui me donne un peu de temps libre, c’est pourquoi j’en profite pour créer du contenu politique.

Pour ce premier article, je souhaite parler de la réforme des retraites, qui embrase actuellement notre pays. Je ne vais pas argumenter sur le contenu de la réforme, qui a déjà été développé par beaucoup de personnes, mais simplement rappeler que cette réforme est à la fois inutile et injuste. La majorité de la population l’a compris, et d’après les sondages d’opinion, s’oppose à cette réforme avec une grande majorité. Je vais plutôt parler de la manière dont ce texte de loi est défendu.

Je veux rappeler en premier lieu que le gouvernement actuel n’a jamais obtenu un vote de confiance de l’Assemblée. Un gouvernement sans vote de confiance est-il légitime pour proposer des lois ? Selon moi, il ne l’est pas. Il est vrai que le gouvernement a survécu à plusieurs motions de censure, découlant principalement de l’utilisation abusive de l’article 49.3, mais n’a à aucun moment fait appel à un vote de confiance. Il ne l’a pas fait car il sait que l’assemblée ne lui donnerait pas cette confiance pour appliquer les réformes voulu par le président. Quand bien même, il les met en place, sans ce vote. Je ne pense pas que cette posture soit démocratique, même si elle n’est pas “interdite” par notre constitution.

De plus, le gouvernement semble vouloir confronter la rue à la question de sa légitimité. Selon lui, le peuple dans la rue ne serait pas représentatif des Français et les chambres de représentants seraient “plus légitimes” que l’expression populaire. Cependant, si le président de la République, l’Assemblée et le Sénat ne respectent pas la volonté du peuple français, il n’existe aucun autre outil démocratique pour celui-ci. Dans ce contexte, peut-on considérer que l’action populaire dans la rue n’est pas légitime ? De plus, des assemblées qui ne reflètent pas la volonté du peuple sont-elles réellement représentatives et donc légitimes ? De mon point de vue, cette réforme mets en avant les difficultés de notre Ve République. Le peuple ne veut pas de cette réforme qui lui prend deux années de retraite et surtout sa voix démocratique. Les représentants ne les représentent pas et leur président n’écoute pas leur voix dans la rue. Je pense que la seule réponse que le peuple va trouver sera de faire plus de bruit, même par la violence. Il est donc important de rappeler que la proposition de loi à l’origine de cette réforme, et donc de cette violence, n’aurait pas pu voir le jour dans un pays démocratique qui se respecte. En poussant la réflexion plus loin, je pense même que le peuple est en droit d’agir pour exiger le retrait de ce gouvernement.

Je voudrais également parler des outils utilisés par le gouvernement en place. Cette réforme des retraites touche à la sécurité sociale et modifie les rentrées et sorties d’argent de l’État. Le gouvernement a choisi de considérer cela comme un enjeu budgétaire et d’introduire cette réforme comme un texte rectificatif du budget. De mon point de vue, une aussi grosse réforme ne peut être considérée comme un simple rectificatif. Cela permet au gouvernement d’utiliser l’article 47 de la Constitution qui prévoit que le budget ne soit débattu que pendant 40 jours à l’Assemblée. Cet article a été créé pour assurer que l’État ne commence pas une année sans budget validé, et donc pour assurer le bon fonctionnement des acteurs publics. Ce stratagème qui consiste à transformer le projet de loi en budget pour utiliser l’article 47 n’est-ill pas un “coup de force” constitutionnel ? Personnellement, je considère que cela représente une dérive du droit constitutionnel. Je me demande ce que peut bien faire le Conseil constitutionnel, censé réguler la situation. Le fonctionnement anormal des chambres ne s’arrête pas là, avec l’utilisation au Sénat de l’article 38 du règlement pour clotûrer les débats, puis l’article 44.3 de la Constitution pour faire un vote unique sur le texte et non par amendement. À cette série d’irrégularités pourrait peut-être s’ajouter dans quelques jours l’utilisation de l’article 49.3 à l’Assemblée pour faire passer le texte en force, sans vote…

Les outils constitutionnels ont été créés pour des utilisations précises : l’article 47 a du sens pour s’assurer que le pays ne se retrouve pas sans budget, le 49.3 également, même s’il s’agit d’une sortie du débat par le bas, et le 44.3 est compréhensible pour un texte dont les amendements sont fortement interconnectés et dont la suppression d’un seul est équivalent de supprimer l’ensemble. Or, dans le cas présent, toutes les utilisations sont en dehors de leur objectif “naturel”. On pourrait argumenter que c’est sujet à interprétation, et que même si les outils ont été conçus pour ce genre de situations, le gouvernement n’est pas en violation de la loi. Il ne fait qu’utiliser ses possibilités. Cela me fait imaginer quelqu’un qui chercherait à minimiser ses impôts en profitant des zones d’ombre dans les règlementations fiscales. “Monsieur l’agent, je ne fais rien d’illégal” ! Certes, mais est-ce juste ? Comment peut-on attendre des citoyens qu’ils soient justes dans leur vie quotidienne alors que vous faites de “l’optimisation constitutionnelle” ? Mais surtout, cela crée un précédent pour les gouvernements à venir. Dès lors qu’une réforme a un coût, on pourrait la transformer en un projet de loi de finances rectificative et emprunter le même chemin. Adieu au débat parlementaire.

C’est tout pour ce premier article politique. J’espère qu’il vous a permis de réfléchir différemment vis-à-vis de l’actualité. Je vais prochainement essayer de présenter cet article sous forme de vidéo YouTube pour ceux qui préfèrent le format à un article. En attendant, je vous souhaite une bonne continuation et bon courage à ceux qui luttent ! Ne lâchez rien !