Nouvelle présentant les pensées d’un personnage névrosé face à ce qui semple être un problème des plus banal : une ampoule à changer.

L’ampoule

Alex était le roi de son royaume. Son petit royaume. Assis dans un coin de son appartement, les bras entrecroisés au-dessus de ses genoux, son domaine était contenu dans un volume d’un mètre cube. Il était le souverain divin de ces lieux, maître de toutes choses, où personne ne pouvait pénétrer. En tout cas, il essayait de s’en convaincre.

La sécurité apportée par la solitude ainsi que l’omnipotence était fortement remise en cause par le propre imaginaire du souverain sacré. Ce dernier était en effet sujet à une affaire extérieure complexe, ayant amené par essence à l’existence du royaume.

Alex devait agir, mais ne pouvait se résoudre à passer à l’action. À peine commençait-il à penser à la tâche que son imaginaire se mettait en route pour générer un ensemble d’obstacles potentiels. Bien qu’il essayât de trouver des solutions, chaque problème hypothétiquement résolu donnait naissance à une autre génération de nouveaux problèmes, de plus en plus malins. Quel Homme, aussi ingénieux soit-il, peut dompter l’aléa du futur ? Par sa simple pensée, Alex ne faisait qu’explorer une infime partie des possibilities. Le plan parfait n’existait pas

Il ne pouvait s’empêcher d’essayer de résoudre cette énigme impossible. Malgré sa position supposément rassurante, il se retrouva happé dans la peur et le malaise. Il faisait beaucoup trop chaud, ou plutôt il pensait avoir trop chaud. Son corps commença à produire une sueur épaisse.

Tout son être commença à s’emballer quand son cœur s’élança à toute allure. Il battait à pleine puissance, injectant des flots de sang qui pesaient sur la paroi d’artères non préparées. Sa carotide parut exploser alors que son cœur frappait fort contre ses côtes. Les pensées passées laissèrent place dans l’esprit d’Alex à un état survivaliste. « Que m’arrive-t-il ? » Sa respiration s’accéléra. « Suis-je malade ? » Elle devenait… courte… « Que… » Difficile… « De l’aide… »

Des profondeurs de la détresse, le futur n’apparaissait plus. Le passé était sans intérêt. Seul la tourmente présente avait un sens. L’instant était lourd, chaque seconde passante étant une dérive de plus dans un océan de peurs autoalimentées.

Le régime tyrannique de l’esprit sur le corps se retrouva ébranlé par une possibilité enfouie. La nécessité de survie fit ressortir l’animal enfoui et les solutions de l’évolution. La fuite. Un art inscrit au plus profond de son être et qui témoigne des années d’évolutions. « Si je ne peux pas gagner, je ne dois pas lutter », pensa-t-il. L’éclat de cette solution dispersa en un instant l’océan des peurs. Pourquoi cette tâche devrait-elle être accomplie. Après tout, elle n’était pas si nécessaire.

Avec la fin des peurs vint la récupération du corps. La fournaise laissa place à d’importants frissons, tels des décharges de stress incontrôlables qui parcouraient le corps avant de radier dans l’environnement. Alex releva la tête pour reprendre connaissance avec le reste du monde. Il pleurait à chaudes larmes. Il se sentait soulagé.

« Je n’ai pas à m’exposer ! » pensa-t-il. « Je n’ai pas besoin de sortir de mes habitudes pour réparer ce qui ne fonctionne plus ! Après tout, je peux m’en passer, de cette ampoule. »